
Le Conseil supérieur de l'emploi (CSE) a formulé jeudi une série de recommandations pour contrer l'explosion du nombre de travailleurs en incapacité de travail chez nous. La Belgique fait en effet figure de plus mauvais élève européen en la matière. En 2021, le pays comptait 456.000 travailleurs en incapacité. Un chiffre qui a augmenté de 150% en l'espace de vingt ans.
Selon le CSE qui s'est penché sur le sujet, cette forte augmentation est notamment imputable au vieillissement des populations de travailleurs, mais aussi à la féminisation du marché de l'emploi.
Alors qu'en 1990 on comptait moitié moins de femmes en incapacité de longue durée, à partir du tournant du millénaire, leur nombre a spectaculairement augmenté. Aujourd'hui, la gent féminine représente ainsi un peu plus de 60% des travailleurs en incapacité.
Une évolution qui, selon le CSE, s'expliquerait par la plus grande prévalence de maladies chroniques auprès des femmes, leur rôle plus important dans les tâches domestiques, mais aussi à l'allongement de leur carrière.
Jusqu'en 1997, celles-ci pouvaient en effet prendre leur pension à 60 ans. Un âge qui a été progressivement repoussé à 65 ans, augmentant ainsi mécaniquement le nombre de travailleuses âgées en incapacité dans les statistiques.
L'étude publiée jeudi par le CSE dresse un portrait-robot de l'incapacité en Belgique. Dans deux cas sur trois, celle-ci a une durée inférieure à six mois. Mais dans 20% des cas, l'absence atteint toutefois jusqu'à un an. Et même deux ans pour 18% des travailleurs concernés.
Quant aux raisons de ces absences, celles-ci sont principalement d'origine mentale (37% des cas), avec la dépression et les burn out comme principaux coupables. Les pathologies d'origine musculo-squelettique arrivent en seconde position (32% des cas).
Sans surprise, le phénomène n'affecte pas tous les secteurs d'activités de manière égale. Il se concentre surtout sur ceux employant les travailleurs peu ou pas qualifiés, ainsi que ceux offrant des conditions de travail plus précaires. Sont ainsi particulièrement concernés les secteurs de la logistique, de la sécurité, du gardiennage, du nettoyage ou encore de l'aide à domicile et aux séniors, selon l'étude.
A côté de cet état des lieux, celle-ci s'est aussi intéressée aux différents instruments (reprise à temps partiel, trajet de réintégration, visite de pré-reprise du travail, trajet d'accompagnement,...) mis en place ces dernières années pour ramener les travailleurs malades à l'activité.
Si la participation à ces instruments a augmenté ces dernières années, celle-ci n'a toutefois pas (encore) permis d'amener à une hausse des sorties d'invalidité. La probabilité que l'incapacité dure plus d'un reste en effet stable ces dernières années, à environ 20%.
Selon le CSE, cette situation s'explique notamment par une activation trop tardive de ces instruments de réintégration, ce qui entraîne bien souvent une trop grande déconnexion du travailleur avec la vie active.
"Bien souvent, la réaction de l'employeur face à la maladie de son employé est de le laisser tranquille. De lui laisser le temps de +se soigner+; C'est normal comme réaction. Mais se parler, c'est toujours bon, et notamment évoquer la reprise du travail", plaide Steven Vanackere, vice-président du CSE.
Pour inverser la vapeur et ramener plus de travailleurs à l'emploi en Belgique, l'organe d'avis avance une série recommandations à différents niveaux.
Il plaide ainsi pour des efforts accrus en matière de prévention, dont les dépenses sont jugées anormalement basses en Belgique. Mais aussi en matière de réintégration auprès des employeurs. Le CSE préconise à cet effet plus d'initiatives sectorielles et des primes pour les entreprises qui mettent en place de réelles politiques de prévention.
Pour éviter les sorties du monde de travail, l'organe d'avis propose aussi d'instaurer une reconnaissance partielle de l'incapacité de travail. Il recommande dans la foulée de renforcer le rôle des médecins traitants et de la médecine du travail.
Quant aux efforts de réintégration, ceux-ci devraient être menés bien plus rapidement, notamment par l'intermédiaire des mutuelles. Le rapport évoque ainsi l'idée d'imposer, en fonction de l'état de santé du travailleur, la participation obligatoire à des instruments de réintégration au travail.
Enfin, il conviendrait pour l'avenir de rendre financièrement plus attrayante le passage d'une reprise partielle vers une reprise complète d'activités. Selon le CSE, le mécanisme de compensation actuellement en place n'encourage en effet pas suffisamment le travailleur en arrêt partiel à reprendre totalement ses activités.
source: belga