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L'UE a prolongé l'autorisation d'utiliser le glyphosate et les formulations contenant du glyphosate jusqu'en décembre 2022 avec certaines restrictions et a mis en place le comité spécial PEST pour revoir la procédure autorisant l'utilisation des pesticides dans l'UE. Les conclusions de ce comité ont été approuvées par le Parlement européen en janvier 2019. En décembre 2019, la procédure d'extension de l'autorisation d'utilisation du glyphosate dans l'UE au-delà de décembre 2022 a été lancée par un groupe d'entreprises, Bayer étant la plus importante.
Prenant en compte la mission du Conseil supérieur de la santé (CSS) et conscient de l'importance du dossier du glyphosate, le CSS exprime son point de vue sur la question. L'objectif n'est pas d'effectuer une nouvelle revue systématique de la littérature scientifique mais plutôt d'obtenir une vue d'ensemble de la complexité de la situation et de fournir des recommandations aux autorités belges de santé publique. Ce dossier a été validé par le Collège du CSS en janvier 2020. Néanmoins, le CSS a préféré postposer sa publication en raison de l'attention générale - et justifiée - portée à l'épidémie du coronavirus. Le rôle du CSS dans la santé publique l'a d'ailleurs également conduit à émettre des avis dans le cadre de cette épidémie. Le dossier glyphosate a été jugé trop important pour être traité en marge d'autres situations importantes et nécessitant une attention particulière (Covid-19). Cependant il est temps se tourner à nouveau vers le futur et de saisir l’opportunité de la nécessaire relance économique pour veiller à construire une économie plus durable dans laquelle le glyphosate (ainsi que d’autres produits) ne devrait plus avoir sa place.
Les effets toxiques du glyphosate " l'arbre qui cache la forêt " !
Le glyphosate a un profil toxique complexe qui va au-delà de la cancérogénicité. Ses propriétés de perturbation endocrinienne, ses effets sur le microbiome intestinal des humains et des animaux de laboratoire et ses effets sur les pollinisateurs (outre les effets des néonicotinoïdes) sont également préoccupants. Le CSS constate que la nature controversée de la littérature sur la cancérogénicité du glyphosate est moins prononcée pour les autres types de toxicité. La conclusion du CSS est que, bien que la cancérogénicité du glyphosate soit au centre des discussions actuelles, d'autres aspects de la toxicité pourraient également être importants et moins controversés. Ces effets non cancérigènes du glyphosate peuvent déjà constituer une raison suffisante pour agir. Le CSS conclut que le glyphosate a des propriétés dangereuses comme beaucoup d'autres composés synthétiques.
Effets cancérigènes, où en est le débat ?
La littérature scientifique montre que le glyphosate a des propriétés génotoxiques, d'induction du stress oxydatif et de perturbation endocrinienne qui indiquent une activité cancérigène. Mais, cette activité est difficile à démontrer dans les études sur les animaux et les preuves épidémiologiques de la cancérogénicité sur l'homme sont limitées. Une méta-analyse qui comprend la mise à jour la plus récente de la plus grande étude américaine incluant plus de 50.000 utilisateurs du glyphosate ainsi que de cinq études cas-témoins a révélé que seul un petit groupe d'utilisateurs ayant été le plus exposé au glyphosate présente un risque accru limité de cancer de type lymphome non hodgkinien. Pour la majorité des utilisateurs, aucune différence n'est constatée avec les non-utilisateurs. Le CSS conclut qu'il y a des raisons de supposer que le glyphosate est un cancérigène faible et que le risque pour l'homme est limité.
En l'absence d'alternatives non toxiques, les enjeux économiques sont importants
Le comité PEST a étudié de manière approfondie la situation actuelle de l'utilisation des pesticides dans l'UE. Le rapport qui en résulte contient quelques points forts. Toutefois, il ne fournit aucune conclusion sur la toxicité du glyphosate ni sur la marche à suivre, ce qui est considéré comme une faiblesse.
Compte tenu de l'utilisation massive de cet herbicide dans le monde entier, le CSS est conscient du rôle important du glyphosate non seulement dans l'agriculture mais aussi dans l'économie en général. En même temps, le CSS constate qu'il n'existe pas encore d'alternative valable au glyphosate. La conclusion du CSS est que le dossier du glyphosate est complexe, non seulement en raison de sa toxicité, mais aussi en raison des aspects sociétaux.
Compte tenu de sa procédure interne de gestion des conflits d'intérêts, le CSS offre les meilleures garanties belges possibles de transparence et d'indépendance de cet avis. En outre, une attention particulière a été accordée à ce point par une analyse approfondie des principales publications utilisées dans le document.
Et maintenant ?
Le CSS recommande que, bien que le risque d'effets négatifs pour l'homme suite à une exposition au glyphosate soit limité, compte tenu du profil toxique basé sur les effets cancérigènes et non cancérigènes, l'utilisation du glyphosate devrait cesser le plus tôt possible et de préférence avant le 15/12/2022, c'est-à-dire à la fin de la période d'autorisation actuelle.
Le CSS recommande de stimuler intensivement les efforts visant à trouver une alternative acceptable au glyphosate, soit un autre produit chimique aux propriétés comparables, soit d'autres méthodes non chimiques de lutte contre les mauvaises herbes. De préférence - si ce n'est pas nécessairement - ces efforts devraient être organisés et coordonnés au niveau international, compte tenu de l'importance mondiale du glyphosate.
Conformément à son avis 9404 sur l'importance des expositions précoces, le CSS recommande que les autorités compétentes - de préférence au niveau de l'UE - établissent un plan cohérent avant la fin de la période d'autorisation (décembre 2022) pour abandonner l'utilisation du glyphosate. Ce plan doit inclure des résultats stricts et bien définis dans le temps, tous les aspects doivent être pris en compte et toutes les parties prenantes doivent participer à cette approche multidisciplinaire. Bien que l'objectif du CSS ne soit pas d'effectuer une gestion des risques, le CSS est disposé à participer à ce processus des parties prenantes en tant qu'institution scientifique. Le principe de précaution doit être appliqué avec prudence.
L’avis, dans son intégralité, (CSS_9551) se trouve sur le site internet du Conseil Supérieur de la Santé